Villeneuve-sur-Lot (47300)
Freyssinet Eugène
Département de Lot-et-Garonne
1919
1900-1930
Label XX
Le pont de la Libération, appelé aussi pont Neuf, est conçu par Eugène Freyssinet, ingénieur des Ponts et Chaussées et réalisé par l’entreprise Limousin et Mercier. Pont d’une seule arche en béton, il est constitué de deux arcs parallèles en béton de ciment non armé de 100 mètres de portée soutenant une structure d’arceaux en brique rouge. De 1923 à 1935, une voie est occupée par le tramway. Le pont possédait au moment de sa réalisation (1919) la plus grande portée réalisée dans le monde par une voûte en béton non armé.
En savoir +
Jusqu’au milieu du 20ème siècle, le franchissement du Lot à Villeneuve s’effectue par un unique pont, le pont vieux construit au 13eme siècle, élargi en 1870. Afin de satisfaire aux exigences de la circulation routière croissante entre les deux parties de la ville séparées par le Lot, et en raison de la mise en service d’une ligne ferroviaire de tramway reliant la bastide de Villeneuve à celle de Villeréal la construction d’un nouveau pont s’impose. En attendant la livraison du pont, la circulation du tramway s’arrête en plein centre-ville.
Le pont est projeté dès 1899 mais sa construction va être retardée jusqu’en 1914. Divers projets vont se succéder, parmi lesquels celui de Monsieur Grenié. Entrepreneur de travaux publics à Bordeaux, ancien associé et héritier de la maison Escaraguel, Monsieur Grenié bénéficie d’une solide expérience (il a construit 87 ponts). Il s’adjoint les services de l’architecte départemental Jacques Albert Courrau, qui en cas d’approbation du projet serait chargé de l’établissement des plans et du suivi des travaux. Courrau va même jusqu’à exécuter des dessins, qui sont exposés en 1894 dans une salle de la mairie. Le projet est un pont métallique à 3 travées reposant sur 2 piles en maçonnerie de pierre de taille composé d’un tablier métallique de 8 mètres 50 de largeur. Ce projet échoue car il ne prend pas en compte l’élargissement de la rue de la Fraternité nécessaire pour permettre le passage du tramway, des piétons et des automobiles.
En 1912, un concours restreint est organisé entre des ingénieurs spécialistes en béton armé. 4 projets sont présentés au jury présidé par Georges Leygues alors député de Lot-et-Garonne. Les projets :
- de la maison Hennebique, maison créée par l’ingénieur François Hennebique auteur de brevets pour des systèmes constructifs en béton armé,
- de la maison Pelnard et Cie,
- et de Monsieur Boussiran sont écartés.
Le 30 décembre 1912, le Conseil municipal se prononce à l’unanimité en faveur du projet présenté par l’entreprise de François Mercier et Claude Limousin, associée à l’ingénieur des Pont et Chaussées, Eugène Freyssinet.
Dans un article paru dans la revue Le Génie Civile (n°2033 – du 30 juillet 1921) Eugène Freyssinet décrit très précisément le pont : « Le tablier en ciment armé est supporté par des piles en béton légèrement armé, revêtues de briques comme les culées, et couronnées de petits chapiteaux en briques ; elles ont la même largeur que les arcs, moins 3 centimètres, soit 3 mètres. Elles reposent sur de petits socles, de même matière que l’arc. Leur épaisseur est variable suivant leur hauteur. Elles supportent du coté extérieur, sur 1m 80 de largeur, un viaduc à plein cintre (portée 4 mètres), parementé en briques, lequel reçoit le parapet également en briques, en sorte que, à part les arcs principaux en béton apparent, l’aspect est celui d’un viaduc en briques. Du côté intérieur, les piles supportent de fortes entretoises en béton, largement dimensionnées, de manière à rester, par leur masse, en harmonie avec le reste de l’ouvrage ».
La construction du pont débute en 1914, elle est interrompue dès le mois d’août pour cause de guerre, les ouvriers ont eu le temps de poser les cintres. Le 5 décembre 1915, les directeurs de l’entreprise bien que mobilisés décident de faire exécuter les arcs en béton. Il s’ensuit une nouvelle période d’interruption des travaux de 1915 jusqu’au printemps 1919. Le pont est livré à la circulation en 1920.
Si la destination première du pont est de faire passer des tramways sur le Lot, ces derniers ne sont mis en service qu’en 1923. Mauvaise gestion des horaires, réseau ferroviaire insuffisant et concurrence de la route provoquent l’interruption du service voyageur le 5 août 1929. Le trafic des marchandises perdure jusqu’en 1933, le déclassement de la ligne est prononcé en 1935, les rails qui occupaient une partie du pont sont démontées et vendues. Le pont est laissé dès lors à la circulation automobile.
Nommé ingénieur des Ponts et Chaussées en 1905, Eugène Freyssinet (1879-1962) devient en 1916 le directeur technique et l'associé de l'entreprise Société Mercier, Limousin et Compagnie. Il a développé le procédé du béton précontraint, dont il dépose un premier brevet en 1928. Auteurs de nombreux ouvrages d’art, partout en France, il a construit, de 1919 à 1921, à Tonneins, un pont sur la Garonne.
Ressources complémentaires / Base Mérimée - Ministère de la Culture et de la Communication